Unique en Alsace
L'aventure de la verrerie de Wildenstein
Appelée aussi la "Suisse alsacienne" le village de Wildenstein est la plus jeune commune de la vallée de St Amarin. Sa création date de 1699 lorsque 5 verriers obtiennent de l'abbé de Murbach le droit de bâtir une verrerie dans la vaste hêtraie située derrière le château de Wildenstein. Daté du 6 juillet 1700, l'acte d'ascencement marque le début d'une belle aventure qui marquera à jamais l'histoire et les paysages de la vallée.
Une installation contestée au fond de vallée de la Thur
La générosite de l'abbé de Murbach envers la colonie de verriers devient très vite insupportable pour les trois villages du fond de vallée que sont Fellering, Kruth et Oderen. S'estimant lésés dans leur droit de jouissance des prés et forêts les 3 communes ne manquent pas de protester auprès de l'abbaye.
Dévoreuse de bois, la verrerie voit ses besoins grandir à mesure que son activité s'accroit. Rapidement les anciens bourgeois de la vallée dénoncent la concurrence qui leur est faite et qui met en péril la satisfaction de leurs besoins habituels. Détestés, les verriers subissent un maximum de pression visant à les expulser. Des procès leur sont intentés et interdiction leur est faite d'assister à la messe dans la paroisse d'Oderen ! La révolution de 1789 va apaiser le conflit et la commune de Wildenstein gagnera son autonomie en 1796.
La concurrence entre les communes et l'animosité envers celle de Wildenstein n'en sont pas pour autant terminées. En 1816, bien que Wildenstein ait obtenu le droit au partage du ban proportionnellement au nombre d'habitants, les pâturages et les forêts sont accaparés par les villages de Kruth, Fellering et Oderen ! Le conflit durera jusqu'en 1821, date à laquelle la commune des verriers obtiendra 717 ha calculés sur la base des 129 familles qu'il abrite.
La verrerie, une industrie de pointe
Malgré les conflits de voisinage, la verrerie de Wildenstein prend pied et développe une technique élaborée de fabrication de bouteilles et cruches en verre. La qualité est une exigence et les pièces fabriquées doivent avoir une forme et un poids précis. Chaque produit est pesé et ceux qui ne sont pas conformes sont refondus, leur prix étant déduit du salaire de l'ouvrier. Les verriers ont cependant une vie aisée grâce à la qualité de leur travail.
Pour leur fabrication, les verriers s'approvisionnent en sable au vieil Armand et à Belleleux en Suisse, achètent les cendres pour la saline dans la vallée de St Amarin, se procurent le manganèse dans le Tyrol et la soude dans les salines de Dieuze.
L'activité verrière à Wildenstein est un succès et la communauté de verriers s'agrandit de nouvelles familles venues de la vallée de Munster ou du Sundgau.
La florissante verrerie de Wildenstein
La production est pour l'essentiel composée de bouteilles, carafes et gobelets. Cependant la verrerie produit également des bonbonnes, des salières et les célèbres tuiles en verre qui permettront de faire entrer la lumière dans les futures usines (principalement textiles) aux toits à shed.
Les débouchés de la verrerie se trouvent en Allemagne (forêt noire) et en France comme à Bussang ou Fougerolles. Des pièces sont même vendues jusqu'à Lure ou Luxeuil d'où les verriers ramenaient de splendides pendules à poids. Réactifs, les verriers s'adaptent à toutes sortes de demandes et accompagnent l'industrie naissante. Ils fabriqueront par exemple, au début du 19ème, de grosses bonbonnes pour l'usine de produits chimiques située au vieux Thann.
La modernisation impossible de la verrerie de Wildenstein
Le bois de hêtre qui avait guidé l'installation de la verrerie au fond de la vallée de St Amarin se voit au 19ème siècle concurrencé par le charbon de terre ; source d'énergie bien meilleur marché.
En 1870, l'Alsace devient allemande. Eloignée des grands axes de communication, la verrerie de Wildenstein résiste de moins en moins à la concurrence de l'industrie du verre de Thuringe. La modernisation de l'usine se révèle très vite impossible et l'année 1884 verra sa fermeture. Sa destruction interviendra dans la foulée en 1885.
La prospérité de la commune de Wildenstein aurait pu se voir menacée par l'arrêt de la verrerie. Cependant, l'expansion du tissage et de la filature à la fin du 19ème permettra aux habitants de retrouver immédiatement du travail. Une crise de l'emploi évitée mais reportée à quelques décennies plus tard lorsque le textile mettra à son tour la clé sous le paillasson...